mardi 3 juin 2008

Les cycles de mes bicycles




La plupart des Tchèques qui viennent en France restent bouche bée devant une dame très chic qui risque de les écraser...par son vélo. Le vélo est un moyen de transport écologique et bon pour le coeur. Au moins moi, j'y garde tous mes vélos.

Étant suffisamment autocritique de mes capacités de conduire, je n'ai jamais possédé de voiture. Je suis donc arrivée à Grenoble avec un cadeau de ma grand-mère: un vélo pliable dont ma grande mère n'utilisait plus, mais dont elle se servait regulièrement, il y a vingt ans. J'appelais le vélo donc Skladacka, ce qui veut dire un vélo pliable en tchèque. Au bout de quelques mois, la Skladacka fabriquée dans une usine communiste a commencé a freiné mon effort d'avancer dans la France capitaliste. C'était assez génant, vu que les freins étaient integrés dans le pédalier et donc difficilement réparables. Pourtant, on m'a volé ma petite Skladacka une nuit de février. Elle a été vu deux jours après sa disparition garée à Grande Place et trois jours après dans un tram avec son nouveau propriétaire. Et là, la trace de Skladacka s'arrête.

Etre sans vélo à Grenoble, c'est comme être sans l'âme. Je me suis donc lancée à la recherche d'un nouveau moyen de locomotion. Ayant l'expérience de Toulouse où je faisais mon Erasmus en 2002, j'ai cherché un marché aux puces. A Toulouse, il était suffisant de se poser sur un banc à la place St Severin dimanche matin. Il y avait des gens qui passaient avec un vélo...et il le proposait. Parfois, c'était votre vélo qui avait disparu la veille...

Mais à Grenoble, je n'ai pas eu besoin de participer au trafic des vélos volés, ni de ruiner mon budget en achetant un vélo: nous avons de la chance d'avoir l'association Le petit vélo dans la tête. Eh oui, là, je fais un peu de la pub, mais c'est une idée géniale: Le petit vélo récupère les carcasses des vélos et les propose à la réparation aux gens qui souhaitent avoir un bicycle original et pas cher. Et ainsi, un après midi de mois de mars, j'ai fait connaissance avec Indurajn. A vrai dire, ce n’était pas un coup de foudre. Quand Pablo, l'animateur chilien de l'association et philosophe qui a toujours bien aimé de parler avec moi un peu de Freud ou de Lacan, pointa ce vélo, je n'ai vu que le guidon oxydé, les pneus abîmés et les freins hors service. Mais finalement, j'ai dépensé les 10 euros et en parlant de signifié et de signifiant, nous nous sommes occupés de mon Indurajn crevé.

A cette époque, je savais déjà que la règle numéro 1 est, en choisissant le cadenas, de mettre toujours un prix plus élevé que celle du vélo. Comme Indurajn coutait 10 euros, j'ai pris un cadenas à 16. La règle a fonctionné jusqu'à un matin de décembre, deux ans plus tard, quand j'étais pressée pour aller à la gare et j'ai trouvé que le cadenas ouvert. Indurajn a disparu, en plus du même stationnement qui était déjà fatal à Skladacka. Je l'ai jamais revu. Des mauvaises langues disent que c'est, car le voleur, fou de rage qu'il a volé un vélo si impossible à rouler, l'a jeté du pont dans l'Isère. Peut-être. Comme dans une légende tchèque, selon laquelle sous Vysehrad, il y a un berceau dans le fleuve Vltava, qui se montrera le jour quand la situation des Tchèques sera vraiment désespérante, je m'imagine Indurajn sur le fond de l'Isère qui émergera le jour le plus difficile pour les vélos grenoblois...

Le jour de disparition d'Indurajn, j'étais pressé pour aller à la gare pour prendre un train à Chambéry où je m'occupais des SDF en tant que stagiaire en psycho. J'étais donc forcée de parcourir le chemin de la gare de Chambéry à Bassens à pied. Mes collègues passaient à côté de moi en me demandant où est passé mon cavalier violet. Et comme c'était une équipe qui aidait les gens, un des collègues m'a proposé de me vendre le vélo de sa copine. J'ai vérifié qu'elle est consentante et Holandia, l'aristocrate, entra dans ma vie.

Il y a d'autres dangers pour les vélos qu’un simple vol. C'est aussi le vol d'une roue ou du guidon qui les menace. La ville est plein des cadavres des vélos. C'est pour ça que j'ai procuré Holandia de deux chaînes de luxe pour les deux roues et d'un autre cadenas pour le siège.

Mais malgré tout mon effort, l'aristocrate n'a pas survécu longtemps dans la jungle. A part les pneus, deux fois crevés par un couteau, un après-midi, elle a reçu des coups de pieds et elle est tombée dans le coma. J'ai cherché un mécanicien qui pourrait s'en occuper, et j'ai trouvé la boutique Lanzalotta qui a promis de m'aider. Mais Holandia demeure là-bas, dans son coma, depuis septembre 2007. Je n'ai pas encore trouvé la force de l'euthanasier.

Pendant quelque temps j'ai donc utilisé un vélo, gentiment prêté par mon ami Tykadlo. Je ne savais pas que pour mon trentième anniversaire je réceverrais un cadeau...



...voilà, c'est Hektor. Il a tout ce qu'un vélo doit avoir pour plaire, en particulière un petit panier et un porte-bagage, on peut donc transporter tout avec, y compris une tige pour les rideaux, une grande tarte millefeuilles ou des cours pour toute la semaine...et bien d'autres choses, mais je ne l'ai pas encore essayé. En plus, Hektor a deux petites trompettes qui permettent protester contre les conducteurs des voitures qui nous bloquent le chemin. Espérons que ça, c'est pour la vie...

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